Grogne d’agriculteurs et polémique à propos de l’usage d’un pesticide

Un collectif d’agriculteurs dénonce la possible interdiction par le ministère de l’Agriculture, jugée « arbitraire », de l’usage d’un pesticide, le paraquat, connu du public sous le nom de « Gramoxone ». Quid de l’usage des pesticides en Polynésie française ?

Début février, comme en informe Tahiti Infos, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) exprimait sa « colère » après le rejet par le Sénat d’une résolution demandant au gouvernement d’agir au niveau européen pour interdire les insecticides néonicotinoïdes, accusés de décimer les colonies d’abeilles. A contrario, en Polynésie française, des agriculteurs qui ne peuvent être insensibles à la disparition des abeilles et aux risques sanitaires et environnementaux du paraquat jugent cependant « arbitraire » l’interdiction probable de cet herbicide en déplorant le manque d’alternative à leur disposition. Pourtant, selon un communiqué du gouvernement en date du 20 février qui a fait connaître cette polémique, « ces mêmes agriculteurs, également membres de la commission des pesticides, savent que celle-ci s’est réunie le 12 février dernier pour rendre, à la majorité des membres, un avis favorable au retrait de cette substance active de la liste des pesticides autorisés Polynésie française ». Souhaitant l’apaisement, le ministère de l’Agriculture a tenu à souligner dans ce communiqué  que l’avis de la commission n’était cependant que consultatif et « que la décision finale appartient au gouvernement de la Polynésie française ».  Frédéric Riveta, interrogé lundi 23 février dans le Journal du soir de TNTV (à 8’15’’) a rappelé néanmoins qu’un lien était avéré entre l’utilisation de cet herbicide et la maladie de Parkinson. Il est également connu que ce produit peut avoir d’autres effets sur la santé des travailleurs ainsi que sur l’environnement. Depuis 2007, ce pesticide de la famille des pyridines et commercialisé notamment sous l’appellation de Gramoxone, par Syngenta Agro, est interdit en Europe. La France a dû se plier à cette interdiction. L’avis paru au Journal officiel (JORF) du 4 août 2007 retire les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du paraquat (R BIX (AMM n° 8700169)), pour tous les usages agricoles et non agricoles, sans délai d’écoulement des stocks que ce soit pour la distribution ou l’utilisation des stocks existants (source Wikipedia).

Un substitut douteux

Alors qu’en Polynésie française cette interdiction n’en est encore, en 2014 … qu’au stade de l’examen, le ministre a également indiqué la possibilité pour le gouvernement de ne la rendre effective qu’après… un écoulement des stocks (!). Il a par ailleurs évoqué la substitution de ce produit par un herbicide qu’il a annoncé comme systémique (à la différence du paraquat qui est un produit de contact), le Roundup. Or, cette création de la firme Monsanto, qualifiée « d’herbicide total » et dont la substance active est le glyphosate, est elle aussi un produit toxique, irritant et écotoxique. Son usage quasi massif depuis les années 1960 a d’ailleurs conduit à l’apparition de mauvaises herbes résistantes au glyphosate. En janvier 2007, Monsanto a été condamnée en France pour publicité mensongère (après une condamnation aux USA pour le même motif). Il n’est plus possible pour cette société d’indiquer que le roundup est un produit sans risques pour l’environnement. Celui-ci n’est cependant pas formellement interdit en France. Le Conseil d’Etat a en effet rendu, le 7 mars 2012, une décision de rejet de  la requête du CRIIGEN* en  annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2009 par laquelle le ministre de l’Agriculture et de la pêche a rejeté sa demande de suspension et de retrait de son autorisation de mise sur le marché. Un rejet rendu, comme l’indique le site mediaterre.org , « pour divers motifs mais basés principalement sur le manque de  » de précisions à l’appui de son argumentation  » ou  » de précision permettant d’en apprécier le bien-fondé  » de la part de l’association requérante » (!). Un article du Canard enchaîné de 2009, raconte toutefois comment Monsanto a triché pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché du roundup. On y découvre que pour obtenir l’homologation de ce produit, la multinationale a fourni des tests menés sur des rats qui ont été exposés au glyphosate seul – la molécule active de son herbicide – mais pas au cocktail qui constitue les formulations commercialisées, mille fois plus toxiques que la substance active. Or, le roundup contient notamment un poison, le POEA, un détergent qui sert à améliorer la solubilité de l’herbicide et sa pénétration dans les plantes. Or, en intoxication aigüe, la dose mortelle de ce surfactant est trois fois inférieure à celle du glyphosate seul ! Le Canard, rapporte terraeco.net, « salue ainsi « la perfection du système Monsanto » : créer des plantes OGM résistantes au roundup afin d’asperger toujours plus de produit, au point d’immuniser les mauvaises herbes, dont l’élimination requerra des traitements encore plus puissants. Profits garantis ».
Manifestement, il est urgent de chercher des solutions plus naturelles ! Non seulement au niveau des produits mais aussi des techniques. Rappelons, du 20 au 30 mars 2015, la 10e Semaine pour les alternatives aux pesticides. ( Image de l’affiche )

Lire aussi sur La Dépêche de Tahiti du 20/02 : Retrait du paraquat, la décision n’est pas encore prise

* CRIIGEN : Comité de Recherche et d’Information Indépendants sur le Génie Génétique.

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